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Analyse Football

Arsenal 0-1 PSG : Lucho change son fusil d’épaule et contient le 3-2-5 d’Arteta

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Alors que le système d’Arteta – et ses mouvements signature, à savoir son latéral intérieur et ses deux ailiers plongeants – avaient fait voler en éclat l’équilibre défensif du PSG en octobre, Luis Enrique a, comme face à Aston Villa – bouleversé son animation défensive, pour créer l’inconfort offensif chez les Gunners. Avec une ligne défensive dont la hauteur fut subtilement ajustée, Paris a annihilé l’animation offensive de son hôte, et aurait largement pu composter son billet pour Munich avec plus d’efficacité, cette fois-ci, devant la cage.

Lucho
Luis Enrique a pris sa revanche sur Mikel Arteta hier soir à l'Emirates © EPA/NEIL HALL

Le 3-2-5 Artetesque

Avant d’aborder la façon dont Paris a défendu, et de pointer les ajustements qui ont fait la différence, il convient de brièvement rappeler comment Arsenal attaque.

Adjoint de Guardiola entre 2016 et 2019, Arteta développe à Londres, une version plus mobile et verticale du système que le Catalan a développé au Bayern, et dans la version 1.0 de son Man City (aux côtés d’Arteta, donc), entre 2-3-5 et 3-2-5.

Une organisation caractérisée par un mouvement clé : le latéral intérieur. Une intériorité, qui bien sur, fait la part belle aux ailiers.

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Le 2-3-5 de Guardiola, avec Lahm latéral intérieur, mais qui conservait une dimension "structure" et symétrie, bien qu’injectant cette innovation

À la différence de ce patron Guardiolien, deux spécificités distinguent la manière dont Arteta utilise cette migration interne de son latéral gauche (Calafiori lors du match d’octobre, et donc, hier, Lewis-Skelly) :

- D’abord, il positionne littéralement plein axe son latéral intérieur (alors que les Philip Lahm etc venaient "remplacer" le relayeur dans le halfspace, qui montait d’un cran, tout en conservant une certaine symétrie collective)

2 - arsenal lateral intérieur
On le voit bien ici, Lewis-Skelly devient un véritable 6 dans le 3-2-5 (2.0) d’Arteta

- En suite, et c’est certainement la nuance la plus importante : Arsenal procède à cet ajustement dès la sortie de balle, c’est-à-dire dès l’entame du temps de jeu offensif, là où la plupart des équipes commencent en théorie avec 4 défenseurs écartés, conformément à leur schéma défensif. C’est notamment le cas du PSG de Lucho (et du Bayern de Pep à l’époque), comme nous l’avions indiqué ici. 

Dans l’optique d’injecter dès l’entame des temps de jeu un maximum de mobilité et d’imprévisibilité.

Ainsi – et ces deux flèches sont nettement les deux joueurs les plus emblématiques de son système – avec un latéral qui devient plus ou moins un 3e central (Timber), et un autre qui devient véritablement un 6 (Lewis-S.), Arteta offre une largeur totale à Saka et Martinelli.

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Le 2-3-5/3-2-5 "tordu" et dynamique d’Arteta face au PSG, perdu en octobre. On distingue Saka et Martinelli très haut et très large. Paris reste en 4-3-3.

Partant de ces positions extrêmes, le Brésilien et l’Anglais ont le loisir de courber leurs appels vers le but adverse pour, soit punir la défense adverse de sa témérité, soit la faire reculer. Tout en profitant bien évidemment du dynamisme généré par le mouvement vu plus haut… et du jeu long de Raya.

4 - saka goal v liverpool
Arsenal met ici la menace Saka à exécution face à Liverpool, son plan A en somme

Arsenal s’organise donc offensivement, comme on le voit ci-dessus, en un sens, en 3-2-2-3 ([ArD – DCD – DCG]) + [MCD – latéral intérieur] + [MOC – MCG] + [Saka – 9 – Martinelli]). Mais ce d’une façon bien plus asymétrique et mobile.

Face au PSG, lors du prequel de cette demi-finale, Rice (qui jouait un cran plus haut, alors que Partey était 6 ou MC droit, ce qui revient au même) était venu se joindre au latéral intérieur, et à Partey. Dans un schéma mobile, il pouvait également se projeter habilement pour joindre Havertz et Trossard, comme un véritable attaquant. Assigné hier au rôle de Partey, l’Anglais a donc laissé ce rôle à Merino, et n’a pas pu peser par ses projections.

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L’organisation d’Arsenal en octobre. Les Parisiens avaient été submergés au cœur du jeu

Avec cette organisation asymétrique et dynamique, les Gunners avaient surclassé le PSG offensivement, leur posant deux principaux problèmes :

1) Une énorme confusion dans les marquages au cœur du jeu : qui prend qui avec ce joueur supplémentaire ? D’autant plus qu’avec Havertz et Trossard, il était difficile de différencier le 9 du 10, alors qu’en théorie, Vitinha est fixé sur le 10.

2) Un clair flottement dans la profondeur avec les menaces permanentes Martinelli et Saka, qui fixent le latéral, en plus de fixer le central, bien obligé de couvrir. Et bien sûr, mettent la menace à exécution dès que possible.

Un levier vertical que les hommes d’Arteta n’avaient pas manqué d’activer, faisant passer Donnaruma tout près du rouge, après seulement quelques minutes.

6 - psg perdu v arsenal octobre
Désorienté face au 2-3-5 Artetesque, le PSG avait été malmené par la variété des options adverses à Londres en octobre

À leur main face à une ligne défensive qui a par la suite vécu dans la peur, et (donc) souvent trop reculé, les Gunners avaient connecté entre les lignes à d’innombrables reprises, marquant logiquement par Havertz à la 20e minute. Trouver le moyen de rester haut, sans s’exposer de la sorte, était donc un enjeu inévitable et fondamental du match d’hier soir.

Alors que Luis Enrique ne s’était pas vraiment adapté aux Gunners à l’époque, subissant leur stratégie offensive, il a logiquement changé son fusil d’épaule lors de cette demi-finale aller.

Le 3-2-4-1 de secours

Comme ce fut le cas face à Aston Villa, dont Lucho avait anticipé le carré à l’aller, le technicien asturien a totalement bouleversé son habituel 4-3-3 en phase défensive. Un système dont le milieu (à trois…) se contente en théorie de calquer celui de l’adversaire. Un objectif de fait inatteignable face ces aides venues d’autres lignes.

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Le 3241 de Luis Enrique face à Aston Villa. Hakimi vient prêter main foret aux milieux pour éviter le 4 vs 3

Avec, à coup sûr, un gros travail d’analyse en amont, mais surtout un match témoin (celui d’octobre), Lucho était donc au fait de la future submersion de son milieu à trois par le quatuor [milieu déf (Rice) – latéral intérieur (Lewis-Skelly) – relayeur gauche (Merino) – milieu offensif (Ødegaard)]. 

Comme ce fut le cas face à Emery, Lucho a donc mobilisé Hakimi, et l’a fait monter d’une ligne en phase défensive, comme un véritable milieu défensif, pour venir prêter main forte au trident Vitinha – Ruiz – Neves. Il a donc à nouveau aligné un 3-[2-2]-3 pour matcher ce cœur du jeu spécial à quatre. 

Ainsi, au cœur du jeu, Ruiz était donc sur Rice, Neves sur Lewis-Skelly, Vitinha sur Ødegaard et Hakimi sur Mikel Merino, et ce – grande différence avec le match d’Octobre – sans changement de marquage, et donc, sans confusion.

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Un quatuor auquel on peut d’ailleurs ajouter l’avant-centre, comme on le devine ci-dessus. Alors qu’en octobre, il était bien difficile de dire qui d’Havertz ou de Trossard était le 9.

Vitinha fixé sur Ødegaard et Hakimi sur Merino, Trossard était donc l’homme de Pacho. L’Equatorien a ainsi souvent défendu plus haut que Marquinhos et Nuno, en faisant temporairement la paire de centraux d’un 2-5-3 si les circonstances l’exigeaient.

Mais au-delà de ce changement stratégique du système, le point le plus décisif fut certainement l’ajustement délicat de la hauteur de la ligne défensive. Qui n’avait d’ailleurs rien à voir avec celui déployé face à Villa (l’abandon du hors-jeu).

Un subtil ajustement de la ligne défensive

Qu’est-ce que "jouer le hors-jeu" ? On pourrait définir cette locution par le fait d’utiliser artificiellement la règle, en restant haut, plutôt qu’en suivant l’adversaire vers notre but, pour annuler ce (ou ces) joueur(s), en les "mettant hors-jeu". Forçant ainsi le porteur à tergiverser, où à nous rendre le ballon, en transgressant cet interdit et exécutant la passe illégale.

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Même si l’on préconise – en théorie (!) – de pratiquer ce piège alors qu’une pression suffisante est appliquée sur le porteur du ballon, cette prise de risque n’a véritablement de sens – justement – que lorsqu’un adversaire est (plus ou moins, et cette nuance a son importance…) libre face au jeu. Le hors-jeu devient alors une arme supplémentaire pour limiter le porteur du ballon, alors que les milieux et les attaquants le font par le pressing de ce joueur, et le marquage de ses solutions les plus immédiates.

Dans la sortie de balle asymétrique d’Arsenal décrite plus haut, un joueur est systématiquement libre, alors que – lamentablement - on n’a pas le droit de presser à 12 contre 11 : le portier David Raya. Comme vu plus haut, c’est de lui que part ce ballon assassin pour Martinelli en octobre. Un moment donc à la fois risqué et (mais) adéquat pour maintenir la ligne haute. Et un risque indispensable à prendre.

Ainsi, dès les premiers instants de la partie, alors qu’on voit le menton de l’Espagnol se lever pour s’informer au loin, on note clairement qu’il ne choisit pas cette option.

10 - jeu long pas possible TV

Et pour cause : s’ils ont su quand reculer (notamment ci-dessus alors que Pacho sortait sur Trossard), Nuno et Marquinhos ont systématiquement saisi l’opportunité de mettre Martinelli et/ou Saka hors-jeu. Car il convient de rappeler que ce plan de Paris met ce back3 de fortune en égalité numérique face à Saka, Trossard et Martinelli. C’est donc un moment adéquat pour faire appel au défenseur imaginaire / supplémentaire que représente le drapeau de l’arbitre de touche. 

Que ce soit via leur portier ou Saliba, les Gunners sont bel et bien capables de générer ce fameux homme libre, mais on voit bien ci-dessous, qu’à chaque fois que c’est le cas, le back3 ne recule pas, dissuadant ainsi le Bondinois et son gardien de jouer long par la force de la Loi 11.

Choisissant finalement – contraints et forcés - le jeu intérieur, où les marquages vont faire leur effet :

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Même séquence en plan large, on comprend pourquoi Raya et Saliba tergiversent balle au pied. C’est à droite que tout se passe

Si Arsenal a été attrapé quatre fois hors-jeu (une moyenne haute dans ce genre de match), les Gunners l’ont été, comme on le voit ci-dessus, effectivement, bien plus souvent. La position illégale temporaire de leurs attaquants jouant alors son rôle dissuasif à merveille, installant Paris dans une grande maitrise défensive.

Au-delà de la dimension tableau noir, on peut penser que les Parisiens ont théorisé en amont de bien lire l’armée du geste du gardien, ou du relanceur qui va jouer long. Saisissant ainsi les moments propice pour avancer sans être puni.

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Saka a beau être à l’extrême-limite de la position légale, ni son langage corporel / son orientation, ni celle de Raya, n’indique qu’il faille (déjà !) courir vers son but. Le PSG ne tremble pas et reste haut, ça paye.

Dans le même temps, alors que Raya est droitier, Dembélé a fait en sorte de charger avec un maximum d’agressivité l’Espagnol s’il se trouvait en position confortable pour armer du droit cette passe fatale.

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Permis de conduire

Sans pour autant générer de véritables décalages, les Gunners sont tout de même parvenus à aller à la limite de ce que la compacte organisation défensive parisienne leur offrait. En activant un levier élémentaire que les multiples formes dessinables sur des images arrêtées ou animées ne saurait symboliser : la conduite de balle.

C’est net sur l’occasion de Trossard à la 55e, la meilleure des Gunners. Alors que Rice se démarque de Ruiz, il s’élance balle au pied pour chercher une position favorable pour titiller l’alignement parisien.

14 - occaz trossard 55e

Alors que Martinelli varie vers une position plus intérieure, Trossard vient quant à lui occuper l’aile, fuyant ainsi le marquage de Pacho. En sortant (partiellement), par ce biais du pressing haut / des marquages de Paris, ils ont réussi à poser quelques questions à l’arrière garde, et à rappeler à Marquinhos ses vieux démons. Illustrant ainsi la dimension inévitable de ces moments de déséquilibre, évoquée ici.

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On remarque sur ce temps de jeu, le "back3" Timber – Saliba – Kiwior n’en est plus vraiment, et qu’à l’instar d’un Bastoni chez Inzaghi, le Hollandais va chercher une position très large et très haute pour se trouver face au jeu, et ainsi faire reculer la défense, qui aura, juste après, du mal à remonter.

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À la manière d’un Bastoni, Timber va chercher une liberté précaire sur l’aile. La possibilité qu’il crée de jouer vers l’avant provoque la marche arrière du back, que Rice va charger à cheval

Alors qu’Arsenal est capable de varier, et d’offrir les positions de Martinelli et Saka à ses latéraux, il y a fort à parier qu’Arteta prépare une réponse dans cette tendance pour le (son) retour au Parc.

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Le set up d’Arsenal, face à City, lors du match pour le titre (0-0) en 2024

Théorie vs Réalité : savoir penser librement et interpréter les situations

Si Paris n’a pas su suffisamment capitaliser sur son plan en attaque placée, et espèrera ne pas regretter de ne pas avoir atterri au Bourget avec trois buts d’avance, il a déployé un display défensif quasi-parfait, du calibre requis en demi-finale de Champions League. Un niveau où le plan ne suffit plus, et où la dimension scolaire des théories tactiques se doit d’être transcendée par la subtilité de l’interprétation, pour véritablement gêner l’adversaire, et le faire déjouer.

Et où tout l’art d’une stratégie digne de ce nom est de tenir compte de cette plasticité. Une démarche, qui est aussi celle d’Arteta, évoquée en début d’article, dans la torsion asymétrique de son 3-2-5.

Cela dit, si les Gunners ont su générer quelques temps chauds, c’est surtout en sortie de coup de pieds arrêtés qu’ils sont venus. Un enjeu, autant que les CPA en eux-mêmes, bien entendu décisif du retour de mercredi prochain.

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