Le Bayern refuse la carte jeune

Au bord du magnifique Tegernsee, en Haute-Bavière, le traditionnel stage de reprise estivale du Bayern est toujours l'occasion pour les quelques centaines de supporters qui font le déplacement de voir à l'oeuvre, à l'entraînement et en match amical, les jeunes talents du club, invités parmi les pros aux rangs alors clairsemés. Ces gamins, dès les premières échéances sérieuses d'août – Supercoupe, reprise du championnat, Coupe d'Allemagne puis a fortiori Ligue des champions –, disparaissent pourtant inexorablement de la feuille de match. Si, pour cause de Mondial des clubs, les Bavarois renoncent cet été à cette escapade au sud de Munich, la tendance sera très vraisemblablement la même à l'approche des matches officiels. Les supporters réclament du temps de jeu pour les jeunes pépites de la maison, en vain.

Avec l'arrivée de Vincent Kompany, ce constat s'est confirmé, et même accentué. L'entraîneur belge a très peu sollicité, la saison dernière, les éléments les moins âgés et les moins expérimentés de sa troupe. Combien apparaîtront le 16 août sur la feuille de match de la Supercoupe contre Stuttgart ? La grave blessure de Jamal Musiala, la jambe détruite par Gianluigi Donnarumma au Mondial des clubs le 5 juillet, ouvre-t-elle des perspectives en ce sens ? Le milieu offensif Paul Wanner, prêté la saison dernière à Heidenheim, pourrait constituer une partie de la solution. Mais le jeune homme de 19 ans est courtisé, aussi bien en Bundesliga qu'à l'étranger. Un autre milieu de terrain de talent, la recrue hivernale Tom Bischof, devrait lui aussi attirer d'autant plus l'attention que Musiala sera absent au moins jusqu'à l'approche de l'hiver. Or, l'ancien joueur d'Hoffenheim, 20 ans, reste pour l'instant sous les radars.

Stiller et Yildiz, partis gratuits

Avec Vincent Kompany à la baguette, les jeunes n'ont pas la partie facile. La meilleure illustration, au-delà des maigres statistiques de temps de jeu des éléments les plus inexpérimentés de l'effectif, est le poste d'arrière gauche. Le titulaire Alphonso Davies blessé au genou, l'une de ses possibles doublures Hiroki Ito, le pied cassé, absent lui aussi, Josip Stanisic et Konrad Laimer droitiers, Raphael Guerreiro manquant de vitesse et de classe internationale, l'occasion semble trop belle pour donner sa chance à Adam Aznou, réclamé à corps et à cris par les supporters. Faute de quoi, les discours des dirigeants appelant de leurs vœux la “montée” plus fréquente de jeunes du centre de formation chez les pros finiront par paraître totalement vides de sens.

Car la formation bavaroise n'est pas improductive. Ces dernières années, des joueurs comme Angelo Stiller ou Kenan Yildiz y sont passés. Le premier est devenu le maître à jouer de Stuttgart, le second se fait remarquer par ses performances à la Juventus, de sorte que leur valeur marchande actuelle est estimée aux alentours de 50 millions de francs suisses alors qu'ils ont quitté Munich... gratuitement ! Deux de leurs successeurs, Adam Aznou et Lennart Karl, sont aujourd'hui à leur tour à la croisée des chemins. Les deux sont entrés en jeu au Mondial des clubs – ce sont les seuls parmi les jeunes qui avaient fait le voyage – mais seulement à l'occasion du 10-0 contre Auckland, à l'enjeu quelque peu réduit. Dans les clubs concurrents, les joueurs de 2006 ou après – catégorie d'âge dont font partie Aznou et Karl, respectivement 19 et 17 ans – ont eu droit à nettement plus de temps de jeu, en témoignent notamment ceux du finaliste parisien, mais aussi de Benfica, Porto, Manchester City ou Chelsea.

Ibrahimovic à Heidenheim, Vidovic à Zagreb

Ne lui en déplaise, l'entraîneur belge du Bayern s'est jusqu'ici montré totalement réfractaire à la carte jeune. Mathys Tel, prêté l'hiver dernier en Angleterre, peut en témoigner. Ce n'est pourtant pas le talent qui manque à l'attaquant français. À l'instar de ce dernier, Arijon Ibrahimovic vient d'être prêté à Heidenheim et Gabriel Vidovic, qu'on a vu lui aussi au bord du Tegernsee l'été dernier, est parti au Dinamo Zagreb. La stratégie au Mondial des clubs, de ce point de vue, pose question : cette compétition apparaissait comme l'occasion idéale de montrer les gamins, accélérer leur intégration et leur faire prendre de la valeur pour éviter de les laisser filer ailleurs sans en tirer quoi que ce soit financièrement. Que va donc décider le club pour Aznou, en contrat jusqu'en 2027, et pour Karl, dont l'engagement court jusqu'en 2026 ? Gambader avec les pros durant la préparation aura-t-elle été leur seul petit bonheur bavarois ?