Une promenade ou un duel ?
Promenade de santé ou vrai duel ? La supériorité implacable de Tadej Pogacar fait du champion du monde l'écrasant favori du Tour de France qui part samedi de Lille. Mais Jonas Vingegaard veut croire qu'il peut redevenir le grand tourmenteur du Slovène.
Trois semaines de bruit et de fureur, de drames, de joies intenses et de souffrance attendent les 184 coureurs - parmi lesquels cinq Suisses (Mauro Schmid, Stefan Bissegger, Marc Hirschi, Fabian Lienhard et Silvan Dillier) - de cette 112e édition de la Grande Boucle qui présente la particularité d'être 100% française.
C'est devenu une exception, une trêve après trois départs consécutifs de l'étranger et deux nouveaux lancements internationaux à venir, Barcelone en 2026 et Edimbourg en 2027.
Et elle a tout pour plaire avec deux contre-la-montre, dont un en côte dans les Pyrénées, six étapes de montagne, Superbagnères, le Mont Ventoux, le col de la Loze, jusqu'à la conclusion le 27 juillet sur les Champs-Elysées avec une incursion inédite sur la butte Montmartre, un an après les JO.
La première étape, de Lille à Lille, offre une opportunité aux sprinters d'endosser le maillot jaune pour la première fois depuis Alexander Kristoff en 2020 à Nice. Biniam Girmay et Jasper Philipsen, les maillots verts des deux dernières années, Tim Merlier et l'attraction Jonathan Milan, préféré à Mads Pedersen par Lidl-Trek, ont cerclé en rouge ce rendez-vous depuis des mois.
Elle préfigure une première semaine de plaine que le patron du Tour Christian Prudhomme aime dépeindre "en trompe l'oeil" puisque l'architecte du parcours, Thierry Gouvenou, a "mis des patates partout".
Les étapes de Boulogne-sur-Mer (2e), Rouen (4e), Vire (6e) sont en effet truffées de côtes et l'arrivée en bosse au Mûr-de-Bretagne promet aussi une belle empoignade.
Si le spectacle devrait être au rendez-vous, le danger rôdera aussi et les leaders vont serrer les fesses pendant toute la première semaine. Tiesj Benoot, un des gardes du corps de Vingegaard, craint "le même chaos qu'en 2021 en Bretagne lorsque 120 coureurs s'étaient retrouvés par terre dans les premiers jours".
Ce sera, en tous cas, un terrain de jeu parfait pour les puncheurs, un type de coureurs dont la France dispose à profusion avec les Romain Grégoire, Julian Alaphilippe, Kevin Vauquelin ou Louis Barré qui auront les yeux qui pétillent face aux Mathieu van der Poel et Wout Van Aert.
Les Français viseront des étapes puisque le classement général semble totalement inaccessible cette année encore, alors qu'on fête les quarante ans de la dernière victoire tricolore, celle en 1985 de Bernard Hinault, qui sera à l'honneur le 11 juillet lorsque le Tour passera par sa ville natale d'Yffiniac.
D'autant que Romain Bardet a rejoint Thibaut Pinot parmi les coureurs à la retraite et sera sur la moto d'Eurosport comme consultant.
En réalité, la bataille pour la victoire finale ne semble concerner que deux hommes, et encore. Pogacar et Vingegaard se sont partagé les cinq dernières éditions - le Slovène mène 3-2 - et planent largement au-dessus de la concurrence incarnée d'abord par Remco Evenepoel, troisième l'an dernier, et Primoz Roglic.
D'un côté, on peut espérer un duel intense entre Pogacar et Vingegaard qui, pour la première fois en trois ans, abordent le Tour en pleine possession de leurs moyens tous les deux: en 2023, Pogacar revenait d'une fracture au poignet, l'année suivante Vingegaard d'un crash terrible.
Mais Pogacar est si dominant sur tous les terrains depuis un an et demi qu'il pourrait aussi tuer tout suspense dès la sortie des Pyrénées et avant même la dernière semaine dans les Alpes. Au dernier Dauphiné, le champion du monde a été tellement supérieur à son rival danois qu'il a frisé l'insolence, voire l'arrogance.
Vingegaard veut néanmoins y croire et mise sur une équipe Visma très forte (Yates, Jorgenson, Kuss, Van Aert,...). Mais Pogacar a lui aussi une "dream team" à son service avec Joao Almeida, Adam Yates ou encore Pavel Sivakov. Ces derniers mois, l'ours slovène a montré qu'il n'avait de toute façon pas besoin d'aide pour ratatiner la concurrence...
Reste la glorieuse incertitude du sport qui prend toute sa dimension sur le Tour de France, épreuve marathon aux mille pièges, où personne, même pas le meilleur, n'est à l'abri d'une chute ou d'une défaillance.